Sur Saint Kilda, le temps ne s’est pas figé avec le départ de la communauté. Une nouvelle page s’écrit ensuite, point de départ d’une autre histoire.
Un an après l’évacuation la famille MacLeod, alors propriétaire de l’archipel, décide de le vendre au comte de Dumfries qui devient peu après le cinquième marquis de Bute. Celui-ci décide de conserver son nouveau bien inoccupé et en fait un sanctuaire dédié à la protection des oiseaux.
Personne n’habite alors sur Saint Kilda et l’archipel passe la seconde Guerre mondiale au calme. Quelques avions perdus s’y écrasent pendant le conflit mais l’île est plus que jamais le paradis des oiseaux. En 1955 cependant, le gouvernement britannique incorpore l’archipel dans sa zone de défense aérienne. Quelques hommes, civils et militaires, s’installent alors dans un ensemble de bâtiments destinés à observer les activités suspectes dans le ciel écossais. En 1956, le marquis de Bute décède. Dans son testament, il fait don de l’archipel au National Trust for Scotland qui accepte l’héritage en janvier 1957.
Depuis cette date, des scientifiques vivent également sur l’île. Ils y observent la faune et la flore locale et notamment l’emblématique mouton sauvage de Soay. C’est à cette époque que Saint Kilda est classé au rang de réserve naturelle nationale. Dans les mêmes années, on entreprend la rénovation de Bàgh a’Bhaile, le village de la communauté abîmé après trente ans d’abandon. Des équipes de bénévoles viennent ainsi plusieurs étés sur Hirta afin de restaurer quelques « maisons-témoins » et renforcer les ruines menacées de disparition.

Vue de l’île de Boreray et des Stacs (îlots) depuis les falaises du Conachair sur Hirta, Saint Kilda, (photographie : Stephen Hodges).
L’intérêt évident pour la richesse de Saint Kilda se confirme en 1986, lorsque l’archipel devient le premier territoire écossais inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. En 2005, Saint Kilda confirme son caractère exceptionnel et devient l’un des vingt-quatre sites au monde à recevoir le statut de patrimoine mondial à type mixte (c’est à dire combinant un patrimoine naturel et un patrimoine culturel d’intérêt majeur). L’archipel côtoie ainsi dans cette liste le prestigieux Machu Picchu. Enfin, l’Union Européenne (UE) reconnaît elle aussi la singularité de Saint Kilda, plaçant l’archipel dans une Zone de protection spéciale, dédiée à la protection des nombreuses espèces d’oiseaux. La réalité d’un sanctuaire naturel majeur et la fragilité des écosystèmes conduisent naturellement le National Trust for Scotland et le gouvernement britannique à réglementer l’accès aux îles afin notamment de ne pas introduire d’espèces animales indésirables comme le rat. Des compagnies comme Kilda Cruises, Sea Harris ou Seatrek organisent ainsi des excursions très réglementées dans l’archipel. Le clip qu’ils ont réalisé vous donnera probablement autant envie qu’à moi d’aller découvrir physiquement les confins de notre monde.
Ainsi s’achève jusqu’à nos jours la bouleversante histoire de Saint Kilda. Destin tragique d’une communauté hors du temps, dont la rudesse des conditions de vie apparaît encore bien davantage inimaginable aujourd’hui. Et si les insulaires étaient restés ? Et si, en dépit du bon sens qui leur a fait quitter Hirta, si en dépit de tout cela ils étaient restés ? On ne peut faire que de simples et vaines suppositions. Car l’île au nord du monde n’aurait pas été plus clémente envers ses occupants qu’elle ne l’avait été jusqu’alors. Mais la liberté ne vaut-elle pas tous les sacrifices du monde ? Stat Rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus.
Clément B.
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Pour écrire cette série consacrée à l’histoire de Saint Kilda, de nombreuses sources ont été utilisées. Beaucoup sont d’ailleurs dans la langue de Shakespeare.
Bibliographie :
Coates (Richard), The place-names of Saint Kilda, Lampeter, 1990.
Fleming (Andrew), Saint Kilda and the Wider World : Tales of an iconic Island, 2005.
Fordun (Jean de), Scotichronicon, 1380.
Johnson (Samuel), A journey to the Western Island of Scotland, 1775.
Macauley (Kenneth), History of Saint Kilda, Londres, 1764.
Maclean (Charles), Island on the Edge of the World : the Story of Saint Kilda, Edimburgh, 1972.
Sands (John), Life in Saint Kilda, 1877.
Seton (Georges), Saint Kilda : Past and Present, Edimburgh, 1878.
Steel (Tom), The Life and Death of Saint Kilda, Londres, 1988.
Sitographie :
http://www.courrierinternational.com/article/1999/01/14/saint-kilda-une-miette-d-ecosse-trempee-dans-le-petrole (Un article intéressant).
http://www.enezgreen.com/fr/destinations/site/st_kilda_island-140/ (Découverte « touristique » de l’archipel).
http://www.heraldscotland.com/news/home-news/tributes-as-one-of-last-native-inhabitants-of-st-kilda-dies.22317224 (Article évoquant Norman Gillies et les derniers natifs de Saint Kilda).
http://www.kilda.org.uk/ (National Trust for Scotland).
http://ssa.nls.uk/film/0793 (Scottish Screen Archive).
http://www.theguardian.com/lifeandstyle/2012/mar/24/last-man-st-kilda-evacuation (Article sur l’histoire de Saint Kilda et sur Norman Gillies, l’un des derniers nés sur Hirta, décédé en 2012).
http://whc.unesco.org/fr/list/387/ (UNESCO).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Kilda (L’incontournable encyclopédie en ligne).
Passionnant !
Et quel travail de recherche. Merci beaucoup Clément, ce fut particulièrement enrichissant…
Tu as su donner envie de se rendre sur les lieux. Prouesse !
dmv
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Merci beaucoup ! 🙂
Peut-être un future voyage pour les découvrir ? 😉
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Buona giornata by Simona 🙂
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Grazie ! belle foto sul tuo sito! 🙂
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Excellent dossier de bout en bout! Des infos bien rassemblées et des liens très intéressants vers des images et films historiques.
Pour étendre et approfondir ce plaisir ou cette fascination des îles du nord :
Récit de Nicolas Bouvier dans « Journal d’Aran et d’autres lieux » relatant ses impressions lors de sa visite des îles d’Aran à l’ouest de l’Irlande. J’ai lu ce texte il y a près de 25 ans. J’avais le livre dans ma bibliothèque mais je ne le trouve plus. Ce texte est vraiment incroyable ! Vous vous sentirez au bout du monde sans avoir pris le bateau.
Citations et critiques sur Babelio :
http://www.babelio.com/livres/Bouvier-Journal-dAran-et-dautres-lieux/50904
Bon vent Clément! (Sans jeu de mot) et à bientôt j’espère pour un autre dossier.
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Mille mercis Luc. Et merci pour le lien, le livre a l’air passionnant. Je vais probablement faire un article sur Skellig Michael, si tu as des photos d’ailleurs…! 😉
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