Voyage

Road trip en Écosse #11 : St Kilda (2/3)

Onzième épisode de notre road trip estival en Écosse (du 26 juillet au 11 août 2017), toujours rédigé à partir de mon carnet de bord. C’est avec de bonnes chaussures de marche et un gros sac à dos  que nous sommes partis à la découverte d’un pays à la beauté fascinante. Après le voyage sur une mer démontée, nous avons eu l’immense privilège de poser les pieds sur St Kilda sous un soleil éclatant. Après le voyage mouvementé, récit d’une journée inoubliable.

(Pour visualiser les photos en qualité optimale, il suffit de cliquer dessus).

11- St Kilda (2/3) : Welcome to St Kilda, dude ! (4 août 2017)

13h. C’est sous un soleil éclatant, après quatre heures de rude navigation sur l’Atlantique Nord que l’Integrity jette l’ancre dans Village Bay. C’est incroyable. Étrange sensation de contempler réellement un endroit que l’on a déjà vu en photo, sur lequel on a projeté tout un imaginaire sans pourtant l’avoir déjà vu « en vrai ». On voit le relief imposant d’Hirta, le petit embarcadère près de l’actuelle base militaire et on distingue les ruines du village entouré de cleits. Autour du bateau et jusqu’à la plage, les eaux sont turquoises, presque transparentes. Paradisiaques.

L’excitation s’empare de moi, tandis que le zodiac nous transfère depuis l’Integrity vers St Kilda Pier.

Pied à terre, enfin. Nous posons gilets de sauvetage et pantalons imperméables, superflus ici. Il est 13h19, le soleil nous réchauffe agréablement. La tempête est loin. Après une courte introduction d’une Ranger du National Trust for Scotland, Andy nous donne 4h pour explorer l’île à notre guise avant d’embarquer pour la deuxième partie de la visite. Les yeux grands ouverts, nous commençons l’exploration d’Hirta par Bagh a’Bhaile, la ruelle principale de l’ancien village en ruine. Certains blackhouses (maison typique des Hébrides) ont été restaurées comme elles étaient au XIX es siècle. Dans l’une d’elle, un petit musée retrace l’histoire tragique des hommes de St Kilda. Pas un mot parmi les visiteurs.

Nous ressortons assez vite pour privilégier les extérieurs, le temps file vite. La promenade parmi les blackhouses en ruines et les cleits est émouvante.  Imaginer ces gens qui vécurent ici, coupés du monde avec si peu de ressources et de confort, est quelque chose de difficile à concevoir au cœur de la société de consommation où l’abondance et le « tout tout de suite » dans laquelle nous sommes.

Nous sortons du village pour monter vers The Gap, le sommet qui plonge à pic sur les falaises. La grimpette commence. C’est plus long et plus raide que ce que j’imaginais. Les moutons nous regardent passer, certains s’éloignent, les oiseaux planent au-dessus de nos tête. J’arrive sur un léger replat un peu marécageux sur lequel on trouve quelques cleits ainsi que trois vastes enclos de pierre. C’était sans doute là que les St Kildans entreposaient leur bétail. Soudain, je sens quelque chose qui me frôle la tête par derrière, à vive allure. Étonné, je me retourne pour constater qu’un oiseau vient de me foncer dessus. Interloqué, je poursuis mon chemin. L’oiseau recommence. Une fois, deux fois, trois fois. Je me retourne, le regarde en face. Une cinquième fois il me fonce dessus et me rase la tête à toute vitesse, comme une torpille. Un peu déboussolé, je change de cap et fais un large crochet par la droite en accélérant le pas. L’oiseau, posé sur le toit d’une cleit me regarde partir, sans doute satisfait de sa victoire. Plus tard, j’apprendrai qu’il s’agit d’un Artic Skua, un oiseau rare et particulièrement agressif lorsqu’on s’approche de sa nichée. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que cette petite mésaventure était une sorte de message, de mise en garde : ici ce sont bien les oiseaux qui règnent en maître. Les humains ne sont plus les bienvenus. Welcome to St Kilda, dude !

Je sais ce que je vais voir quand je verrais ce qu’il y a derrière cette montée. Je le sais. Et pourtant, quand je vois enfin ce panorama pour de vrai, je reste sans voix, émerveillé par tant de beauté. The Gap, 255 mètres d’altitude. La montée est raide et puis le vide. La terre s’arrête brusquement et tombe à pic dans l’océan. Vertigineux. Un sentiment de plénitude m’envahit. Autour, les bleus, les verts et le ton sombre des rochers se mélangent dans une agréable quiétude. Merveilleux. Les oiseaux dansent, portés par le courant. Ils s’invectivent et se répondent. À 3 miles, perdus au milieu de l’immensité de l’Atlantique Nord, se découpe la silhouette de Boreray et des stacs, impressionnants rochers sur lesquels nichent des milliers d’oiseaux. Le voir en vrai n’a rien à voir avec toutes les photos que j’ai pu observer. La réalité dépasse de loin l’imagination. De très loin. La réalité donne à voir des sensations incroyable, le gigantisme des falaises, le bruit des oiseaux et des vents, toutes ces choses que l’on ne ressent pas pleinement devant les images. Les mots me manquent pour décrire la scène, je n’en donne ici qu’une vision tronquée, imparfaite, en deçà de mon expérience sensorielle… Mes yeux n’en perdent pas une goutte, ni mes oreilles, ni ma peau, ni mon nez. Pour toujours garder cette sensation.

Camille prend des photos pour immortaliser l’instant et, pourquoi pas, préparer une future exposition sur cet incroyable voyage !

Au-dessus, le Conachair nous appelle, nous tend les bras. C’est le sommet d’Hirta, le toit du monde, 430 mètres au-delà du niveau des flots. D’en haut, la vue est imprenable. Je veux y aller bien sûr.

« Tu veux vraiment monter là-haut ? demande Camille.

— C’est pas loin, on y sera dans cinq minutes ! ».

En fait, la montée est beaucoup plus longue que prévue. La pente est raide, chaque pas est un effort coûteux. Le sommet tout proche semble pourtant inaccessible. L’absence de chemin tracé rend l’ascension éprouvante. Je serre les dents et fais le vide dans mon esprit : je gagnerai le toit du monde coûte que coûte. Contraint de faire une pause, mon regard balaie tout autour de moi. Je rencontre une nouvelle trace du passé : les restes d’un avion de la Seconde Guerre mondiale qui s’était abattu sur l’île… Camille me rejoint et nous reprenons la grimpette.

Les restes de l’avion qui s’est écrasé sur Hirta pendant la Seconde Guerre mondiale. ©Camille Peney

« Cette fois-ci, se sera vraiment cinq minutes, dis-je ».

Cinq minutes avant une nouvelle pause ! Et sur notre droite, au bord de la falaise, un nouveau témoignage touchant de l’histoire des St Kildans : un crochet planté dans la roche qui servait d’attache aux hommes qui descendaient pêcher les oiseaux le long des falaises, au-dessus du vide…

Vestige du passé de St Kilda, ce crochet servait à descendre le long des falaises pour chasser les oiseaux. ©Camille Peney

Quelques efforts plus tard, j’arrive au sommet de l’île : un panorama incroyable s’offre à moi. Quelques minutes plus tard, Camille me rejoint. Nous sommes bluffés par l’incroyable vue. On l’a fait. Nous sommes seuls au monde. Quatre-cent-trente mètres au-dessus de l’océan. Vertigineux. Une sensation indescriptible. Je fais un tour sur moi-même. L’océan nous entoure, à perte de vue. Nous sommes sur un caillou perdu au beau milieu de l’Atlantique Nord. Instant délicieux. L’air entre par grandes bouffées dans mes poumons. J’ai envie de crier. On l’a fait putain ! Le rêve est devenu réalité ! Parfois, la réalité dépasse l’imagination. C’est le cas de ce que nous sommes en train de vivre. Du haut du Conachair, mon regard embrasse le relief de l’île, ses côtes : le point de vue est magnifique, l’isolement aussi.

Assis contre un petit monticule de pierres, nous mangeons avec appétit. La montée nous a creusés. Nous profitons de l’instant, le regard perdu dans l’océan. Tout semble si calme ici. On y resterait bien.

A suivre…

Clément B.

28 réflexions sur “Road trip en Écosse #11 : St Kilda (2/3)

  1. Ces paysages me rappellent ceux de l’ île où Luke Skywalker s ‘était retiré dans le dernier Star Wars . Roches, falaises, que l’ on imagine volontiers balayées par les tempêtes . Que seulement une herbe drue et verte y pousse témoigne de la dureté du climat et aussi de la survie pénible dans d’ autres temps à cet endroit .

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    • Merci Lorelei ! 🙂
      Tu peux retrouver tous les articles du voyage dans l’onglet « Voyage en Écosse » ! 😉
      Effectivement c’est un pays à la beauté fascinante… Je te souhaite de pouvoir réaliser ce rêve !

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