Aux confins du monde, la série précédente, présentait en cinq articles l’histoire générale de St Kilda depuis la préhistoire jusqu’à nos jours. Cette nouvelle série intitulée « L’île au Nord du monde » s’intéresse à la vie quotidienne des hommes qui ont vécu dans l’archipel. La vie au Nord du monde constitue en effet un témoignage exceptionnel de l’occupation longue (plus de deux mille ans) d’un territoire soumis à d’extrêmes conditions climatiques. En voici le premier volet.
1- L’incroyable histoire des hommes pêcheurs d’oiseaux
Vivre au quotidien sur St Kilda est un défi permanent pour les habitants d’Hirta. L’hostilité des éléments naturels fait de cette occupation un exemple de la capacité d’adaptation de l’être humain aux environnements les plus extrêmes. Imaginez St Kilda. Imaginez ces quelques îlots perdus dans l’Atlantique Nord à des dizaines de kilomètres des rivages de l’Ecosse. Imaginez ces terres désolées fouettées par les vents, harcelées par les flots, mordues par le froid, colonisées par les oiseaux. Imaginez ces côtes redoutables desquelles on ne peut s’approcher que par temps calme… C’est pourtant là bas que des Hommes vont s’installer et décider d’y construire leur vie.
De quoi vivent les individus qui pendant des milliers d’années ont occupé l’île au Nord du monde ? L’archéologie nous apporte des éléments de réponse. Les bâtiments visibles et les vestiges découverts présentent les structures de constructions dédiées au stockage. Des traces d’exploitations agricoles ont également été mises à jour ainsi que des Cleitean (petites bâtisses de pierre servant d’entrepôts) et bien entendu les traditionnelles maisons de pierre (black houses) que l’on peut admirer à Village Bay et qui constituent l’habitat typique des Highlands. Tout ceci est caractéristique d’une économie de subsistance qui tente de répondre aux besoins d’une petite communauté isolée.
La première singularité alimentaire des habitants de St Kilda se trouve dans la consommation massive d’oeufs et d’oiseaux. En effet, si les générations ont pu se succéder dans l’archipel, elles le doivent principalement à cette abondante ressource. Les insulaires faisaient preuve d’une habileté remarquable pour chasser et récolter les oeufs des fous de Bassan, des macareux ou autres fulmars. Pour cela, les hommes s’attachaient avec des cordes et descendaient le long des falaises vertigineuses. Ils pouvaient ainsi visiter les nids inaccessibles et capturer les volatiles à l’aide de canes à pêche avant de les manger cru, séchés ou salés. Cette technique de chasse était particulièrement périlleuse et servait en quelque sorte de rite de passage des jeunes hommes à l’âge adulte. Celui qui voulait prouver qu’il était digne de prendre épouse devait ainsi montrer son habileté à chasser les oiseaux sur les falaises depuis Mistress Stone, une ouverture en forme de porte dans les rochers qui tombait à pic sur l’océan. La vidéo qui suit a été tournée en 1908 à St Kilda. Elle montre les pêcheurs d’oiseaux à l’œuvre. Un témoignage exceptionnel sur le quotidien des insulaires.
Outre les oiseaux, les insulaires possédaient également quelques bovins et cultivaient difficilement quelques terres qui produisaient de l’orge et des pommes de terre. Néanmoins, les cultures restaient limitées. Il fallait en effet irriguer, et le manque de ressources en eau constituait un véritable obstacle au développement de l’agriculture. Il faut aussi avoir à l’esprit la faible superficie et l’escarpement important des terres pour expliquer la faiblesse des productions agricoles sur St Kilda. L’utilisation d’engrais à base de déjections d’oiseaux causa également de graves problèmes sanitaires dans l’île. Enfin, les habitants d’Hirta élevaient des moutons qui leur fournissaient du lait, de la viande et de la laine, ressource indispensable pour se protéger des rigueurs du Nord.
Malgré l’omniprésence de l’océan, les habitants d’Hirta consommaient très peu de produits issus de la mer. La pêche restait limitée du fait des difficultés pour accoster l’île en bateau. L’océan souvent agité autour de St Kilda rend en effet toute navigation hasardeuse. Et puis sans bois sur l’île, une avarie était presque irréversible. Les côtes de l’île ne fournissent presque pas de fruits de mer, ce qui confortait les insulaires dans leur régime si singulier. Quant aux fruits n’en parlons pas, ils n’existent tout simplement pas dans l’archipel.
Sur St Kilda, l’alimentation est donc une préoccupation constante pour la communauté tout au long de sa présence sur l’île. Si ils survivent grâce à leur habileté à tirer le meilleur d’un environnement hostile, les habitants connaissent régulièrement les privations du fait de leurs ressources trop limitées. Les périodes de famines ne sont pas rares dans l’archipel. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que la population d’Hirta soit toujours restée sous la barre des deux cents âmes.
A suivre…
Clément B.
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C’est passionnant ! Tant le texte que les photos et la vidéô. Merci !
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Ravi que ça te plaise. L’histoire de St Kilda est fascinante… Je te conseille aussi la série « Aux confins du monde » pour en découvrir davantage ! 🙂
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